Bert, félicitations pour votre Passwerk Lifetime Achievement Award (PLAA) 2021 ! Qu'est-ce que cela vous fait, d’avoir gagné ce prix ?
Je me souviens très bien du moment de l'annonce. Je revenais de la Cour d'appel de Bruxelles et j'ai reçu un coup de fil de Dirk Rombaut, me prévenant que le conseil d'administration de Passwerk avait décidé de me décerner le PLAA 2021. J'ai été très surpris et j'ai immédiatement demandé à Dirk « Pourquoi moi ? ». Je pense que c'est ce qui se passe pour de nombreux gagnants de prix, du moins pour moi, car je trouve « normal » de m'engager pleinement dès que je commence quelque chose. En tout cas, j'ai été très fier de recevoir ce prix. Mon entourage, les professeurs de l'école, les parents d'élèves, la famille et les amis se sont sentis très honorés aussi. C'est un grand moment pour le développement de l'école et ses futurs projets. Le cabinet d’avocats a déjà reçu deux prix, pour moi c'était le premier.
Vous êtes cofondateur, avec votre fille Katrien et votre gendre Ted, de l'école De Lift Education, une école spécialisée dans l’ICT pour les jeunes ayant un profil du spectre de l’autisme. Est-ce que l'autisme occupait une grande place dans votre vie avant cela ?
Mon petit-fils Robrecht est un garçon normalement doué, actuellement âgé de dix-neuf ans, chez qui un diagnostic de TSA a été posé lorsqu’il avait quatre ans. Robrecht a du mal à communiquer. Dans l'enseignement primaire, les classes spéciales pour les profils du spectre de l'autisme ne posaient pas de problème. Mais dans l'enseignement secondaire, cela n’a pas été le cas. Nous souhaitions que Robrecht puisse suivre un enseignement à son niveau intellectuel, mais le système éducatif actuel n'offrait pas de garanties suffisantes pour cela et il aurait sans doute été entraîné dans un système de cascade. C'est ce qui est la base de la création de notre école De Lift Education.
Pourquoi avez-vous créé une école ?
Au départ, nous voulions une école secondaire dans laquelle on pourrait choisir une orientation. Mais nous avons vite compris que c'était impossible premièrement, financièrement et deuxièmement, à cause de la nécessité d’une formation quasi individuelle. C'est pourquoi nous avons opté pour une école secondaire d'informatique pour les jeunes présentant un profil du spectre de l’autisme, proposant une offre sur mesure, axée sur le marché du travail.
Que représente De Lift Education aujourd’hui ?
Notre école est située à Diest, à la Citadelle. Les locaux sont mis à notre disposition par la ville de Diest, ce dont nous sommes très reconnaissants. De Lift Education propose un enseignement à partir de douze ans aux élèves qui sont normalement ou très doués et qui ont un intérêt marqué pour l'informatique. Les jeunes présentant un profil du spectre de l’autisme ont des capacités spécifiques (mais souvent très divergentes). L'approche individualisée leur permet de mieux découvrir et développer leurs talents. Le slogan de notre école est donc « libérer les talents ». L'approche consiste en des objectifs concrets, pratiques et utilisables, tels que : un accompagnement individuel et une offre de cours, des pauses sur mesure, un soutien visuel, un environnement à faible stimuli, la stimulation des compétences socio-communicatives, en partant toujours de l'intérêt de chaque élève, des petits groupes de classe et, surtout, l'orientation vers le marché du travail.
Quels sont pour vous les principaux défis pour De Lift Education?
Notre école accueille des élèves qui ont parfois déjà essayé deux ou trois écoles, voire plus, dans l'enseignement secondaire, mais qui - malgré leur intelligence normale ou supérieure - risquent de se retrouver dans le système de la cascade et parfois même de rester à la maison. Le défi de notre école est donc de permettre à ces élèves d'exceller et de libérer leurs talents.
Quels sont les plus gros succès remportés par De Lift Education ?
Nous réussissons dans le sens où tous nos élèves trouvent un emploi chez nous après leur formation ou sont prêts pour l'enseignement supérieur.
En tant que tel, notre école ne vise pas l'obtention de diplômes, car son objectif principal est de permettre à nos élèves d’entrer dans le circuit du travail normal après leur formation. Cependant, ceux qui le souhaitent peuvent également tenter d’obtenir un diplôme et pour cela nous les accompagnons à la commission d’examen, avec beaucoup de succès.
Quelles personnes vous ont inspiré, dans le monde de l’autisme ou en dehors, pour la création de l’école ?
C'est grâce à Passwerk et à ses forces vives, Nico et Dirk, que j'ai eu l'idée d'ouvrir notre école. Il y a une dizaine d'années, un samedi matin, j'ai lu un article dans le journal sur Passwerk et j'ai rapidement contacté Dirk Rombaut. Son enthousiasme étant apparemment du même niveau que le mien, Dirk m'a mis en contact avec Cronos. Et c’est grâce au soutien de Cronos, que nous avons pu créer et maintenir cette initiative.
Y a-t-il des personnes en particulier qui, selon vous, devraient gagner ce PLAA ?
Je devrais presque dire Nico et Dirk eux-mêmes, en tant que forces motrices de Passwerk. Si je devais citer une organisation, je dirais que le PLAA pourrait aussi être attribué à Cronos, ou à ma directrice d'école, Annemie Willekens, qui a été le moteur quotidien de De Lift Education depuis la toute première minute et jusqu'à aujourd'hui. Avec les autres enseignants et bénévoles, bien sûr.
Votre nom sera immortalisé sur une plaque commémorative dans notre bureau, une salle dans le bâtiment Passwerk porte votre nom, etc. Qu'est-ce que ça fait ?
Lorsque je visite certaines entreprises ou certains bâtiments publics, je vois souvent qu'une pièce porte le nom de l’une ou l’autre personne. Cela m'a toujours fasciné. Mais là, une salle chez Passwerk qui porte mon nom, cela me semble vraiment trop d’honneur.
Y a-t-il encore des choses que vous aimeriez réaliser au sein de De Lift Education ?
Ce serait merveilleux s'il était possible pour tout le monde, quelle que soit sa situation financière, de pouvoir aller à l'école à De Lift Education. L'un de mes grands souhaits est que nous recevions un soutien financier, d’où qu’il vienne, afin que les élèves dont les parents n'ont vraiment pas les moyens puissent également fréquenter notre école. Notre école n'est pas subventionnée et nous devons tout organiser avec l’argent des inscriptions, le sponsoring et les dons. En fait, nous remplissons trois missions : l'éducation, l'emploi et le bien-être.
Avez-vous d'autres projets dans le cadre de l'autisme ?
Compte tenu de la formation avancée en informatique et du fait que beaucoup de nos élèves sont très doués pour le labeling et la géolocalisation, nous préparons actuellement le terrain pour que nos anciens élèves puissent créer leur propre entreprise. Le labeling et la géolocalisation demandent un énorme effort humain, c'est un travail minutieux et intellectuel pour lequel certains de nos élèves sont particulièrement doués.
Avez-vous des conseils à donner aux parents d'un enfant ayant un profil du spectre de l’autisme dans le cadre de l’éducation, de la formation ou de l’enseignement ?
J'aimerais dire aux parents d'un enfant ayant un profil du spectre de l’autisme : communiquez et expliquez à votre entourage ce que signifie « autisme ». Ne le cachez pas. Veillez à ce que votre enfant puisse suivre un enseignement à son niveau, à ce qu’il soit bien accompagné et vous remarquerez que si votre enfant est différent, il a tout de même des talents dont il peut être fier, souvent des talents que l'on ne retrouve pas chez les autres enfants.
Quel est selon vous le plus grand malentendu concernant l’autisme ?
La plus grande idée reçue sur l'autisme est qu'il s'agit d'un « trouble ». Ce n'est pas du tout un trouble, peut-être une déficience, mais surtout une forme de pensée différente.
Quelle est pour vous la principale priorité dans le cadre de l’autisme ?
Pour moi, c'est que les personnes ayant un profil du spectre de l’autisme bénéficient de la possibilité de se développer normalement, depuis l'enfance jusqu'à l'emploi. Je pense que notre école en est un bon exemple et que Passwerk remplit brillamment cette mission sociale sur le marché du travail.
L’inclusion des personnes ayant un profil du spectre de l’autisme est-elle un objectif important pour vous ?
L'inclusion des personnes ayant un profil du spectre de l’autisme est, bien entendu, extrêmement importante. Mais je pense que nous ne devrions même pas parler de ça. Pour moi, il est évident que les personnes ayant un profil du spectre de l’autisme participent à la société, comme tout le monde. Je suis même convaincu que nous pouvons apprendre beaucoup de ces personnes, étant donné leur façon directe, structurée et détaillée de penser et d'agir, dans une société humaine trépidante et pas toujours très reluisante.
Y a-t-il des optimisations politiques ou stratégiques à prévoir ?
Le gouvernement doit veiller à ce que les personnes ayant un profil du spectre de l’autisme se voient proposer une formation, un enseignement et un emploi adaptés. La visite de travail au Danemark de notre couple royal, accompagné par nos ministres de l’emploi des différentes régions de notre pays, m’a frappé. La délégation souhaitait en savoir plus sur le modèle d'emploi dans ce pays. Le ministre du travail danois a spontanément évoqué, sans qu'on le lui demande, l'emploi des personnes ayant un profil du spectre de l’autisme et leurs talents particuliers. Malheureusement, notre gouvernement laisse encore de nombreuses personnes merveilleuses sur la touche. Des personnes qui peuvent créer une énorme valeur ajoutée pour le marché du travail.
Quels sont les plus grands défis pour une famille avec un enfant ayant un profil du spectre de l’autisme ?
Le plus grand défi pour une famille avec un enfant ayant un profil du spectre de l’autisme est d'accorder cette attention supplémentaire spécifique à cet enfant dans le contexte de la famille et de ses relations.
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